Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Texte libre

Point de départ: Bébert, chat et camarade de Céline

 

Pour la suite, nous verrons bien. Des articles de JBV, LB, SM et AT sur tout ce qui compte pour nous aujourd'hui : romans, essais, poésie, musique... quelques pointes picturales et inspirations théophiliennes de voyages.

 

Les idées, avis et lignes inspirées sont les bienvenus dans les commentaires.

Recherche

Archives

30 juin 2006 5 30 /06 /juin /2006 23:11

 

 

 

 

 

Cela ne se fait pas, de ne pas aimer Prévert, c’est impoli, et mal élevé. Qui ne le connaît pas, ne saurait pas ne pas l’aimer. L’homme au béret, au mégot coincé dans le coin d’une bouche tombante, celui qui a l’air de vous prendre pour un imbécile, de sortir du lit, celui qui a l’œil un peu vide et la tête à demi tournée. Celui dont votre charmante institutrice a tout de même eu la décence de graver dans le malléable cerveau d’enfant qui était le vôtre, ces quelques vers :

 

 

Pour faire le portrait d’un oiseau

 

 

Peindre d’abord une cage

 

 

Avec une porte ouverte

 

 

Peindre ensuite

 

 

Quelque chose de joli

 

 

Quelque chose de simple (…)

 

 

Vous savez, Prévert, celui qui se fout pas mal des rimes et de l’alexandrin, celui qui ose mettre de l’argot dans ses vers, celui qui parvient à vous faire pleurer avec des mots tellement simples, celui qui aime les arbres… Prévert, ou comment dire des choses si belles, avec des mots si simples :

 

 

Ce qui m’est arrivé

 

 

Oui j’ai aimé quelqu’un

 

 

Oui quelqu’un m’a aimé

 

 

Comme les enfants qui s’aiment

 

 

Simplement savent aimer

 

 

Aimer aimer…

 

 

Pourquoi me questionner

 

 

Je suis là pour vous plaire

 

 

Et n’y puis rien changer

 

 

Et les virgules, et les points, et les répétitions ? Et le sens, où est-il ? Cela n’a ni queue ni tête, ou ni tête ni queue… Du moment que Prévert a toute sa tête, il écrit Prévert, il s’en fout Prévert, comme la terre :

 

 

Elle s’en fout

 

 

La terre

 

 

Elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler

 

 

Elle s’en fout

 

 

Elle tourne

 

 

Elle n’arrête pas de tourner

 

 

Et le sang n’arrête pas de couler (…)

 

 

Il parle à tous Prévert, il dit « tu » à ceux qu’il aime, à ceux qui ont un cœur d’enfant dans leur corps d’adulte, à ceux qui en ont vu, qui en verront encore, à ceux que la vie a mordu mais qui ne parviennent pas, pour le moment, à s’en lasser. A ceux qui comme les deux escargots aiment trinquer et boire, un joli soir d’été, tituber au clair de lune, chanter.

 

 

Il est un peu cynique Prévert, mais pas encore blasé, il distille l’aigreur de la guerre, l’ironie de l’amour, à mots voilés, à vers pesés.

 

 

Je suis allé au marché des oiseaux

 

 

Et j’ai acheté des oiseaux

 

 

Pour toi

 

 

Mon amour

 

 

Je suis allé au marché aux fleurs

 

 

Et j’ai acheté des fleurs

 

 

Pour toi

 

 

Mon amour

 

 

Je suis allé au marché à la ferraille

 

 

Et j’ai acheté des chaînes

 

 

De lourdes chaînes

 

 

Pour toi

 

 

Mon amour

 

 

Et puis je suis allé au marché aux esclaves

 

 

Et je t’ai cherchée

 

 

Mais je ne t’ai pas trouvée

 

 

Mon amour.

 

 

Il est un peu anticlérical Prévert, un peu moqueur, et très français. Il ne porte pas vraiment dans son cœur la noire robe des curés, il se permet même de dire à Dieu, non sans malice au fond des yeux, Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y. C’est un peu osé, Prévert, parfois décalé ;

 

 

La grande brouette des inventions

 

 

Le paon fait la roue

 

 

Le hasard fait le reste

 

 

Dieu s’assoit dedans

 

 

Et l’homme pousse.

 

 

L’homme de Prévert est un titi parisien qui boit des cafés, mange des tartines beurrées, va au cinéma aux Gobelins le dimanche. Ses écoliers sont des cancres, ses oiseaux rêvent de liberté.   

 

 

Et puis il y a l’amour. Violent, déçu et compliqué. Tendre. L’amour et l’homme, l’homme et l’amour, qui se fuient ou se cherchent, ne pouvant vivre l’un sans l’autre.

 

 

Cet amour tout entier

 

 

Si vivant encore

 

 

Et tout ensoleillé

 

 

C’est le tien

 

 

C’est le mien

 

 

Celui qui a été

 

 

Cette chose nouvelle

 

 

Et qui n’a pas changé

 

 

L’amour, encore.

 

 

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entr'ouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

 

 

« C’est un peu simple Prévert non ? », diront certains. « C’est un peu populaire ! », affirmeront d’autres. Et puis ce n’est pas un « vrai poète » comme Rimbaud, Baudelaire ou Aragon.

 

 

Poète il l’est, magicien des mots, conteur qui parle à votre âme sans y toucher, dont la musique vous pénètre doucement, subrepticement, pour ne plus vous quitter.

 

 

Et à ceux qui n’aiment pas Prévert, je dirai juste : écoutez…

 

 

Le miroir brisé

 

 

Le petit homme qui chantait sans cesse
le petit homme qui dansait dans ma tête
le petit homme de la jeunesse
a cassé son lacet de soulier
et toutes les baraques de la fête
tout d'un coup se sont écroulées
et dans le silence de cette fête
j'ai entendu ta voix heureuse
ta voix déchirée et fragile
enfantine et désolée
venant de loin et qui m'appelait
et j'ai mis ma main sur mon coeur
où remuaient
ensanglantés
les sept éclats de glace de ton rire étoilé.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 juin 2006 4 29 /06 /juin /2006 08:41

Hommage à Bébert – et explications

 

 

 

 

Moi ça m’aurait pas dérangé d’être le chat de Céline. Parce que j’ai grandi dans l’amour de la littérature et que lui aussi…Seulement Bébert ronronnait dans les pattes d’un des plus grands écrivains français du XXème siècle. Voici l’avantage de sa situation sur la mienne ; j’appris d’ailleurs par lui-même qu’il préférait les lectures que Céline faisait de ses brouillons par milliers, qu’aller courir et chaparder par les gouttières poisseuses de Meudon.

 Mais c’est pas le tout… Bébert me révéla en outre qu’il ne rechignait pas, de temps en temps, à mettre la patte à la patte ; il apporta ainsi sa modeste mais bien réelle contribution félinienne à l’œuvre hallucinée de son illustre maître. On ne s’en étonnera pas d’ailleurs, vu le caractère plutôt sauvage, voire animal, de certaines de ses expérimentations littéraires.

Céline est la littérature pure et dure ; féline et sauvage ; et Bébert, tout ronronnant qu’il fut, est devenu un roman à lui tout seul. Qui, des amoureux de Céline, ne s’est jamais réinventé au moins l’existence de Bébert ? Imaginer Céline sans son chat, son favori le Bébert – mais aussi sans tous ses chiens, ses autres chats, et puis tout le reste de l’arche de Noé, qu’il devait bien avoir planqué dans sa dernière demeure ? Impossible. Qu’est-ce qu’il a vu ce chat ? Qu’aurait été Céline sans son affection de chat, c’est à dire minime mais inébranlable, à la Céline quoi ? (JBV)

 

 

 

 

 

Lorsque l’homme se perdait dans les méandres de la misanthropie, son chat se plaisait à lui présenter son trou de balle, préférant le rose du petit orifice à la noirceur des propos de son maître. (LB)

 

 

 

 

 

Trêve de digressions, trève de plaisanteries. Ceci n’est ni un malentendu, ni le fruit de quelques malencontreux excès éthyliques, encore moins celui du hasard. Bebert, le chat de Céline, notre charmante mascotte, est notre icône à nous. Il est celui que nous avons choisi pour nous représenter. Pourquoi Berbert, me direz vous, d’un air étonné, avec une pointe d’ironie dansant dans le fond de votre œil (si, si, je la vois), pourquoi un chat ? Pourquoi Céline ? Car c’est comme ça, Céline, le chat, voilà, ne cherchez pas.

 

Nous aimons la littérature, nous n’en chérissons pas pour autant les chats. L’approche de ces charmantes créatures provoque chez certains d’entre nous d’irrépressibles éternuements, et rien que la vue d’un honorable représentant de la race féline, peut hérisser le poil de beaucoup. Alors vous voyez, Berbert ou pas Bebert, Céline ou pas Céline, l’important n’est pas là, encore une fois. Si nous jouons avec les mots, nous ne nous jouons pas d’eux, encore moins de ceux qui s’amusent à les faire chanter. A les allier entre eux, à leur donnez une âme, à créer un monde, nous en offrant la clé. A ceux en somme qui parviennent à nous offrir un morceau d’eux-mêmes. L’important est là, Céline ou pas. Pourquoi un chat, pourquoi Céline… Et pourquoi pas ? (SM)  

 

 

 

 

 

Eternuant déjà, moi c'est plutôt la petite musique célinienne qui m'amène ici, les mots crus et acerbes qui dièsent le texte. Je laisse le petit Bébert taquiner 'l'agité du bocal". Un soufflet au visage, jeunes, peut-être trop pour certains d'entre nous, Céline est arrivé. On parlera de tout, de Louis-Ferdinand, des chats, de Bernanos, de Yourcenar, de Faulkner, de notre Fédor, d'Antonin, de Georges-Henri, d'Edmond...

 

"Tous ceux, tous ceux, tous ceux qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe, Sans les mettre en bouquets".

 

Nous ricocherons parfois sur le texte, nous verrons bien.

 

Et pourquoi pas?" (AT)

Partager cet article
Repost0

Articles RÉCents